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Face à face avec Dicke Bertha

Porsche 3.0 RSR blanche vue moteur.

Nul besoin de vous dire que la bête impressionne. Sa livrée blanche et rouge accentue encore son physique gonflé au amphet’. Son propriétaire, sourire en coin, me glisse ces quelques mots : « Je lui ai donné un petit surnom. Je l’appelle ma Grosse Bertha ». Voilà qui rassure !

L’équipe de mécaniciens s’affaire autour du compartiment moteur et finit par mettre le feu aux poudres. Le moteur s’ébroue dans un vacarme assourdissant. A bonne distance, je fais le tour de cette fameuse Bertha pour en appréhender les musculeux contours. Je suis aussi intimidés qu’un jockey de 50 kilos qui aurait à mener un cheval de trait d’un bout à l’autre d’un parcours d’obstacle.

Puis, vient le moment de s’installer dans l’habitacle. Celui-ci est entièrement dépouillé. Intégralement noir, il ne laisse apparaitre que son arceau, l’instrumentation destinée à vérifier sa bonne santé et l’énorme compte tours, situé juste sous les yeux du pilote. Je coiffe mon casque, on m’harnache et c’est parti ! Cette 911 s’élance avec un civisme surprenant. Pourvu que ca dure ! Seul l’envahissante sonorité trahit le tempérament de cette bête de concours. Après quelques tours de piste à allure sénatoriale, une fois Bertha à température, qui se ferait prier pour faire parler la poudre ?

Et là … sans voix, souffle coupé. Les 330 chevaux libérés catapultent le paysage dans mon casque et le moteur émet un tel rugissement qu’on croirait qu’un félin en fureur essaye de s’échapper de l’arceau cage. Le sourd borborygme des bas-régimes se transforme en grondement féroce dès que l’on écrase la pédale d’accélérateur, catapultant l’aiguille fluo du compte-tours vers la zone rouge. Puis, il faut manier la commande de la boîte 5... Le débattement est court et la précision garantie, mais dieu qu’elle ferme cette commande ! Les vitesses scandent l’accélération. Troisième, quatrième, cinquième. Le premier virage se jette sur le capot à une telle vitesse qu’il est impératif de taper dans les freins, en se réjouissant des jappements que provoque les talons-pointe. La pédale est dure comme du bois et la décélération si intense que les harnais me mutilent les côtes. La direction est faite du même métal. Précise et extrêmement directe, elle donne la sensation que les pneus collent littéralement au bitume et nécessite une poigne de fer qui fait craindre tout cabrage intempestif. La poussée est franche, brutale et linéaire. Le couple gargantuesque permet, malgré les énormes « gommards » de placer la voiture pour sortir rapidement des courbes. Il faut cependant prendre garde car une accélération trop franche et prématurée vous molestera les reins en plus de provoquer un très frustrant sous-virage.

Une fois le modus operandi adopté, la concentration est impérative. Il faut la brusquer et oublier qu’elle vous brusque. Le physique travaille et l’esprit fait en sorte de ne pas être débordé. La fermeté des commandes offre le plein de sensations et requiert application pour tirer la pleine mesure du châssis. Cette RSR vire invariablement à plat et exige une entrée en courbes musclée mais propre et précise alors que la sortie s’effectue en contrôlant une dérive tendue.

Si les sensations de conduite et le plaisir que Bertha procure sont intenses, le retour au stand reste un soulagement. Mon casque, devenu bouilloire, retiré, bras et mollets endoloris, c’est presque avec bonheur que l’on quitte ce sauna fleurant bon l’huile chaude et les résidus de combustion. Le calme après la tempête. Et dire que Ludwig Heimrath la menait en peloton, plus vite, plus fort, sur des tracés plus exigeants, des heures durant ! Voilà qui vous apprend l’humilité.

Julien Libioul

V12-gt

L'émotion automobile